Page:Barbey d’Aurevilly - Les Ridicules du temps, 1883, 3e éd.djvu/17

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l’épée à la main à cause de la phrase de Chateaubriand sur la cime indéterminée des forêts. Que si, aujourd’hui, on bataillotte dans les journaux à propos de la statue de Voltaire, ce n’est pas qu’il y soit question du génie de cet écrivain ou du mérite littéraire de ses œuvres, mais de ceci uniquement qui n’est ni esthétique, ni littéraire : comptons-nous ! Comptons ceux qui tiennent pour l'infâme, ou ceux qui sont pour le galant homme qui a trouvé un si juste nom! L’indifférence en littérature est donc plus grande à cette heure que l’indifférence en matière de religion du temps de Lamennais. Non pas que les livres ne parlent à la vanité de ceux qui les font et à la curiosité de ceux qui les lisent; non pas que cette vanité ne veuille le succès plus âprement que le talent lui-même, qui est déjà payé de sa peine en faisant bien, et qui peut attendre son jour dans la tranquillité de la certitude; mais l’amour (fût-il enragé) du succès littéraire n’est nullement l’amour de la littérature, et c’est ce qu’il faut distinguer. Or, dans un pareil milieu d’indifférence, il est impossible que la Critique, qui se sent moins écoutée, soit aussi attentive à des défauts ou à des beautés qui intéressent médiocrement les imaginations, emportées d’un autre côté, moins spirituel et moins idéal. Il est impossible qu’elle soit autre chose — quand elle existe par hasard — que la fantaisie exceptionnelle