Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/253

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que tout est plus vrai dans la vie à proportion que tout est moins beau. Erreur inouïe ! La beauté peut être plus rare, mais elle n’est pas moins vraie que la laideur. C’est là l’erreur de ceux qui s’appellent maintenant réalistes.

Leur réalisme, pour parler comme eux, n’est pas, du reste, une invention de leur cervelle. On peut y reconnaître la dernière lie de cet esprit gaulois, déjà entaché de grossièreté vulgaire dans son plus beau temps, de cet esprit sensé et ironique qui s’étend, croit-il, à la pratique de la vie, et dont Molière fut la coupe pleine et Béranger la dernière gouttelette, car La Fontaine eut beau être Gaulois, il aima l’idéal, le divin bonhomme, et plus que Louis Tieck, il a du bleu autour de la pensée.

Seulement, si cet esprit gaulois, qui n’est pas le premier, allez ! affecta et contamina, dans sa meilleure époque, de je ne sais quoi d’inférieur et de bourgeois, les conceptions d’hommes qui avaient pourtant du génie, à présent qu’en tarissant il s’est mêlé aux autres grossièretés d’une vie qui se matérialise chaque jour davantage et que, sous cette théorie et sous ce nom de réalisme, il aspire à gouverner une littérature décadente, ne doit-il pas abaisser plus que jamais des talents moins faits pour résister à ses influences et nuire à leurs inspirations ?


III

Et l’exemple de M. Duranty peut aujourd’hui nous en convaincre… Écrivain diminué par son système, il est