Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/254

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encore plus diminué comme observateur. Certes ! ce n’est pas un observateur vulgaire. On ne peut nier sa pénétration, mais à quoi l’applique-t-il ?… Quel est le monde qu’il recherche et ouvre devant nous ? Quels senties personnages qu’il met en scène ? les choses qu’il décrit ? les faits qu’il brasse ? les inventions que sa fantaisie produit ou dont sa mémoire se souvient ? Monde, personnes, choses, faits, inventions, tout cela, dans son roman, est, il faut bien le dire, sans intérêt pour l’imagination difficile, la seule qu’il faille invoquer en fait d’art ou de littérature, et on n’a point une seule fois à dire, pendant la lecture qu’on en fait : « Voilà qui est beau », mais au plus : « Voilà qui est exact », et encore de la plus facile des exactitudes.

J’ai entendu vanter le pathétique du roman de M. Duranty, mais ce pathétique vient de gens et d’événements si communs qu’ils ne vous touchent plus ; et quand, parmi ces gens si profondément communs, tous tant qu’ils sont, il y a un caractère qu’au moins le romancier devrait sauvegarder de la vulgarité générale, puisque c’est celui de son héroïne, sur le malheur de laquelle il a pour but de nous attendrir, le croira-t-on ? il faut qu’à la fin il le rende aussi commun que tous les autres, mené qu’il est par la misérable idée de son école que, plus on est commun, plus on est vrai.

Du reste, voulez-vous pénétrer d’un mot dans le monde de ce livre par sa seule donnée, qui est la donnée de la plupart des comédies, des vaudevilles et des drames qui se jouent à la superficie de nos théâtres et de nos mœurs ? Mlle Henriette Gérard est la fille de petits bourgeois de campagne assez riches de