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Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/12

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qu’un beau jour il tomberait amoureux de cette petite napolitaine, bien malheureuse d’avoir seulement la bonne volonté d’être une héroïne, et je suis persuadé que notre prospectus est une première déclaration. Je le dis aux arbres, au ciel, aux vents, qui emportent mes paroles. Ainsi faisait le Cherubino de Beaumarchais, petit artiste à sa façon, il Cherubino, en parlant de cet amour toujours en disponibilité qu’il avait pour toutes les femmes. Du Méril a-t-il dit le sien au public ? Ce serait une préoccupation du même genre. N’est-ce pas Gérard qui met toujours mademoiselle Mars dans ses tableaux ?

Que si notre entreprise rate comme nos autres projets ab ovo, je me consolerai assez de ce désappointement. Je vais vous dire pourquoi, mon ami. C’est qu’alors je lancerais dans le monde cet hiver, pourvu que Gosselin voulût s’en charger, sous la forme d’un élégant et voluptueux volume, les deux nouvelles que vous savez, accompagnées de deux autres plus longues dont je m’occupe en ce moment. Ceci n’aura lieu que dans le cas où notre Revue de Caen serait un rêve que nous aurions fait debout.

Adieu, mon cher ami. Dans vingt-cinq jours vous me reverrez. Que m’a-t-on dit d’un nouveau journal dont la direction serait confiée à Betourné ? Celui-là, avec les doctrines, si un mot aussi étoffé de pédantisme était applicable au dévergondage du patron, sera écrit avec de l’encre rouge. Oh ! les beaux reflets purpurins ! Nous autres, jeunes maîtres qui nous brossons les ongles tous les matins, pour le lire, nous mettrons nos gants.

Agréez, Monsieur et ami, l’expression de mon attachement et de mon estime.

Jules Barbey