Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/39

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visité dans tous ses coins. Toutes les places m’en ont été compendieusement et bredouilleusement expliquées par le concierge, homme de sens, qui professe le plus grand mépris pour P. Delaroche et Vitet. J’ai grimpé sur l’observatoire de Catherine de Médicis. — La vue n’est pas mal de là, mais il faut s’en tenir à cette expression modeste, si l’on veut rester dans le vrai.

Je me demandais, mon cher Baron, si tous les monuments du monde me laisseront ainsi sans intérêt et si je dois arriver peu à peu à l’indifférence en matière de toutes choses comme en matière de religion. En vérité, je redoute presque un voyage de Rome. J’y apprendrais peut-être le secret de nouvelles impuissances d’âme, de nouveaux dessèchements d’émotions. Qu’importe ! Allons toujours ! Dieu seul est grand ! Savez-vous pourquoi ? Parce qu’on ne le toise pas à vingt pas avec une lorgnette et que le premier sot venu n’en gâte pas l’idée en mettant son abject nom dessus comme sur toutes les pierres dont j’ai les yeux pleins.

Demain nous avalons le château d’Amboise, Chenonceaux et Tours. — Je serai de retour lundi au plus tard. — Pardonnez l’infâme papier que je vous envoie et jusqu’au contenu du papier. Je vous écris brisé de deux jours de fièvre. Mille bonjours à Guérin et à vous amitiés pour la vie.

J. B.