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Page:Barbey d’Aurevilly - Lettres à Trébutien, I, 1908.djvu/43

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gretté de me voir, moi à qui ils accordent (c’est peut-être un cadeau) quelque force, faire au pastel de la peinture chinoise sans ombre ; mais les hommes de mon siècle m’ont tant ennuyé de leurs airs encravattés et graves qu’il fallait à la fin que je m’inscrivisse en faux contre le pédantisme de ce temps.

Je l’ai fait. Blâmera qui voudra. Je ne me tiendrai pas dans cette voie. Un de ces jours j’attaquerai la fibre humaine plus énergiquement que dans ce pamphlet gris de lin, amour qui a une fin, par lequel j’ai si drôlement interrompu des études politiques assez sévères au moment où l’on s’y attendait le moins !

C’est le dernier mot de mes prétentions de jeune homme : un mélancolique adieu à cette vie de dandy qui a tant dévoré de choses dans la contemplation de ses gilets ! Mon Dieu, l’auteur de Yes and No n’est-il pas devenu un homme politique, après avoir risqué son roman fashionable ? C’est là ce que je dis, pour les rassurer, aux personnes qui ont la bonté de se plisser le front pour moi.

Les journaux me traitent en journaliste. Ils ont mille, pour mieux dire, ils auront mille bontés pour moi, car, la session close, j’aurai des articles partout. Sainte-Beuve me trompette dans la Revue des Deux Mondes, etc. etc. Trois pages d’et cætera… Si vous pouviez m’obtenir un article dans votre Revue, je serais enchanté que mon nom y parût encore. Je tiens à Caen par d’impérissables souvenirs.

Scudo est ici, à poste fixe, chantant, baisant, rossignolant, et engraissant comme Rossini. C’est toujours le même homme, à cela près de l’embonpoint, que vous avez connu autrefois ; une espèce de comte de Saint-Germain dont l’âge est de plus en plus un problème et qui a peut-être soupé avec le Régent. — Il dit avoir trente ans à peine, et, pour soutenir cela, se couche à ses heures, qui sont de très bonne heure, et ne se donne pas d’indigestion.