Page:Barbey d’Aurevilly - Premier Memorandum, 1900.djvu/19

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Léonard De Vinci, dont le portrait est au musée et que je ne puis regarder sans tressaillement. Je n’ai trouvé d’impressivement beau que Notre-Dame-de-Cléry, et je n’ai ouvert les yeux que sur la place où le balafré (duc De Guise) tomba assassiné à coups de dague, entre trois portes, au château de Blois. J’ai mis ma main sur le mur où heurta son orgueilleuse tête en tombant, et franchement le souvenir de cette scène tragique a élevé mes esprits et ranimé la partie éthérée de mon être. — J’ai vu prodigieusement de femmes, toutes laides et communes, excepté deux, deux filles du peuple. Une surtout... à Chambord... une tête digne des pinceaux de Raphaël et plus idéalement modeste encore. L’autre n’était qu’une fille de la terre, avec des dents blanches sous de longs anneaux noirs tombant aux joues brunes et des yeux hardis. Un délicieux modèle de courtisane, et qui serait affolante avec une bande en velours écarlate sur le front, à la grecque, et ses larges épaules roulées dans une mantille. Elle sucerait l’or, le sang, la vie ! Elle serait un fléau, un de ces beaux fléaux de Dieu, un de ces Attilas femelles qui ravagent le monde sans épée... est-ce que quelque honnête vaurien ne la tentera pas comme le diable fit de Jésus sur la montagne, et ne l’emmènera pas à Paris, la patrie de tout ce qui est beau ? En vérité, il y aurait plaisir à laver, peigner, parfumer