Page:Barbey d’Aurevilly - Un prêtre marié, Lemerre, 1881, tome 1.djvu/7

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paroles. Ils reflétaient probablement, les misérables ! tout ce que je ne disais pas, car j’étais fasciné, mais non par elle.

— Savez-vous que c’est fort impertinent, — interrompit-elle avec une langueur jalouse, — de me dire tout cela depuis une heure, sans me regarder une seule fois ?…

Qu’elle me dictait un beau mensonge ! J’avais les yeux sur son sein rond et hardi comme l’orbe d’un bouclier d’amazone, et qui respirait, avec la majesté d’un rythme, dans les baleines et les ruches de son corsage. Mais elle avait raison : ce n’était pas elle que je regardais ! C’était le médaillon qui m’ensorcelait tout bas et auquel le mouvement du sein, sur lequel il était posé, semblait communiquer la vie. On aurait dit qu’il respirait aussi, au milieu de son cercle d’or.

— Savez-vous, me dit-elle encore, que si ce n’était pas là un portrait de femme morte, et de femme morte il y a déjà longtemps, je jetterais d’ici dans la Seine ce médaillon qui m’intercepte à vous, et que vous regardez à m’impatienter ?

— Alors, lui répondis-je en riant, mais, au fond, sérieux sous mon rire, je regarderais peut-être la Seine. Qui sait si ce médaillon n’est pas comme la bague charmée qu’on trouva sous la langue de cette belle Allemande qu’ai-