Page:Barbey d’Aurevilly - Une histoire sans nom, 1882.djvu/22

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cher de Montalto, avait été capucin, et toute sa vie de siècle, il chansonna les capucins et les cribla d’épigrammes. Mais celui qui, ce soir-là, parut devant ces dames de Ferjol, n’aurait prêté ni à la moindre épigramme ni au moindre couplet de chanson. Il était de grande et imposante tournure, — et puisque le monde aime l’orgueil, son regard, qui ne demandait pas qu’on l’excusât d’être capucin, n’avait rien de l’humilité volontaire de son Ordre. Son geste non plus. Il devait avoir l’air de commander l’aumône, en tendant la main, — et quelle main ! d’un galbe superbe, sortant de sa grande manche avec un éclat de blancheur qui sautait aux yeux, étonnés de cette main royale de beauté, tendue si impérieusement à l’aumône. C’était un homme du milieu de la vie, robuste, à barbe courte, frisée comme celle de l’Hercule antique et d’une couleur foncée de bronze. On eût dit Sixte-Quint obscur, à trente ans. Agathe Thousard, la vieille servante des dames de Ferjol, venait, selon l’usage respectueux des maisons pieuses, de lui donner à laver ses pieds dans le corridor, et ses pieds, qui sor-