Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/163

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Salvator.


Ami, tu parles bien, mais notre sol superbe
Corrompt le pur froment et ne fait que de l’herbe,
Ce qu’on sème dessus perd bientôt sa valeur :
Je n’en attends plus rien, et je m’en vais, pêcheur !
Adieu, Naples ! Salut, terre de la Calabre !
Écueils toujours fumants où la vague se câbre,
Ô vieux mont Gargano, sommet échevelé,
Rocs cambrés et noircis, au poil long et mêlé,
Nature vaste et chaude, et féconde en ravages,
Ô terre, ô bois, ô monts, ô désolés rivages !
Recevez-moi parmi vos sombres habitants ;
Car je veux me mêler à leurs troupeaux errants,
Je veux manger le pain de tout être qui pense,
Goûter la liberté sur la montagne immense
Là seulement encor l’homme est plein de beauté,
Car le sol qui le porte a sa virginité ;
Là, je pourrai de pan faire ma grande idole,
Là je vivrai longtemps comme l’aigle qui vole.