Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/275

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Redouble tes clameurs, tes murmures sauvages ;
Dévore, plus ardent, le sable de tes plages ;
Hérisse sur ton front tes cheveux souverains ;
Et de l’abîme noir levant tes larges reins,
Pour garder les trésors de ta plaine écumante,
Fais voler jusqu’au ciel la mort et l’épouvante ;
Ô vieil océanus ! ô père tout-puissant !
Tes fureurs aujourd’hui ne sont que jeux d’enfant !

Que nous font les cent voix des bruyantes tempêtes,
Les mondes dans les cieux se brisant sur nos têtes ?
L’éclair livide et jaune et la foudre en éclats
N’ébranlent pas notre âme et ne l’abattent pas.
Nul peuple comme nous, dans son humeur altière,
N’a su plus fortement remuer la matière,
La mettre sous le joug, et s’en couronner roi
Au nom de la pensée et de l’antique loi.

En dépit de la mort et de son noir squelette,
Nous avons en tout point foulé notre planète ;
Elle nous appartient de l’un à l’autre bout ;
Comme l’ombre et le jour nous pénétrons partout.