Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/248

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de cent manières,
Haletants, écumants et blanchis de poussière,
Un mouvement d’arrêt de la main, quelques mots
Mirent soudainement cette foule en repos.
Et tous, chefs et soldats, oubliant l’exercice
Et les rudes labeurs de la poudreuse lice,
Vinrent à la cantine, alertes et gaîment
Fêter la vivandière et son doux fourniment.

Quel sublime spectacle, et comme ma pensée
À bon droit avait lieu par lui d’être exercée !
Je me disais : vraiment nous sommes bien niais
D’aller si loin chercher et l’ordre et le progrès.
Républicains fougueux, farouches communistes,
Doux saint-simoniens, élégants fouriéristes,
Utopistes hardis qui depuis cinquante ans
Cassez plus d’une tête et ruinez les gens
Pour leur fournir plus d’aise et les mieux faire vivre,
Sans avoir la hauteur d’esprit qui vous enivre,
Et sans m’être donné surtout autant de mal,
J’ai trouvé le grand mot de l’ordre social,
C’est l’armée... oui, vraiment, tant que son beau système
N’aura pas transformé la famille elle-même,
La terre ne sera qu’un horrible chaos,
Un sol sans consistance et jamais en repos.

Vous riez de mon dire, ô Madame Prudhomme !
Mais ce profond discours n’est point d’un mauvais somme
Le cauchemar fantasque et le rêve malsain,
C’est un rêve de sens... le bien du genre humain.
Si notre belle France est la reine du monde
Elle doit son pouvoir sur la terre et sur l’onde
Sûrement à l’idée heureuse dont le nom
Est ce magique mot : cen-tra-li-sa-ti-on.
Or, cette idée heureuse a l’armée elle-même
Pour incarnation et pour forme suprême.