Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/274

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Des jambes guêtre en cuir montant jusqu’au genou ;
Le tout enveloppé depuis les pieds au cou
D’un large manteau brun. Selon toute apparence,
Le hasard du chemin m’avait mis en présence
D’un fermier du pays qui, sans autre attirail,
Allait dans quelque foire acheter du bétail.
Or, tout en regardant sommeiller le bonhomme,
À part moi je disais : il rêve dans son somme
De vaches, de moutons et du gain qu’il pourra
Réaliser ; puis, quand il se réveillera,
Le même rêve encore emplira sa cervelle,
Ne pensant qu’à grossir d’écus son escarcelle
Pour le repos final, et ses jours, un par un,
S’useront jusqu’au terme en ce cercle commun.

Après tout, n’est-ce pas une façon de vivre
Comme une autre et qui vaut l’agrément de poursuivre
Une rime sonore en son vol vagabond,
Souvent métier de dupe ? - arrivés près du mont
Où naquit saint François, un moment l’on arrête
Pour laisser respirer après si longue traite
Les chevaux fatigués ; chacun s’élance à bas
Du coche et me voilà debout, croisant les bras,
De long en large allant, flânant ; enfin j’avise
Sur le bord de la route une superbe église,
Un pieux monument qu’on me dit faire abri
Au toit où l’œil du saint à la clarté s’ouvrit.
La curiosité me poussant, j’y pénètre,
Et je ne tarde pas à voir et reconnaître,
Parmi les visiteurs de la sainte maison,
Mon compagnon de route en fervente oraison.
Il était à genoux et disait sa prière
D’un air si recueilli, de si grave manière
Que j’eus vraiment plaisir à contempler un peu
Ce vieillard élevant son humble cœur à Dieu.
Bientôt le voiturin au coche nous rappelle.