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Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/281

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D’un excellent époux avons fait choix pour toi.

Il n’est pas jeune, non, il passe les cinquante ;
Mais il possède au moins vingt mille écus de rente.
Il n’est pas beau non plus, mais honnête est son nom ;
C’est un homme sensé, de convenance et bon.

Heureuse il te rendra bien mieux que cette folle
Jeunesse qui n’a rien que fadeurs en parole ;
Puis il te donnera voiture, mon enfant.
Et, pesant à dessein sur ce mot triomphant,
Le bonhomme poursuit : tu sens, ma chère fille,
Que, lorsqu’un tel honneur est fait à ta famille,
Il serait de ta part peu digne et mal séant
De le refuser... non, ton cœur obéissant
Recevra de nos mains ce mari tutélaire
Comme le plus beau don que nous puissions te faire.
L’innocente Camille à ce discours nouveau
Baisse encor plus le front, rougit comme un pavot,
Reste tout immobile et comme sans entendre,
Puis, à mots étouffés qu’on a peine à comprendre,
Bégayante, elle dit : -chère maman, papa,
Je ferai, soyez sûrs, tout ce qui vous plaira...
On la rebaise alors, on l’appelle chérie,
On rejoue avec elle une scène attendrie,
On pousse des soupirs, des plaintes, des hélas !
Comme si Lachésis vous l’enlevait des bras.

Puis, Dieu béni d’avoir une enfant si charmante,
Si douce à ses parents et tant obéissante,
On la renvoie enfin en son appartement
Réfléchir tout à l’aise à ce grand changement.
Maintenant avec elle en cette solitude
Pénétrons et voyons quelle est son attitude...
D’abord tout étourdie et toute hors de soi,
Les deux seins palpitants de surprise et d’émoi,
Elle se laisse aller au long d’une couchette,