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TOMYRIS,

N’as-tu pas vu toi-même avec quelle froideur
Il a reçu l’aveu de ma conſtante ardeur ?
Quel trouble il a fait voir ! quel deſordre, Cleone !
Non, je n’en puis douter, le cruel m’abandonne ;
Et plus barbare encor pour moi que Tomyris,
Il veut… Mais quel ſoupçon vient frapper mes eſprits ?
Si j’en crois Aryante ; au perfide que j’aime
La Reine offre ſa main avec ſon diadême.
Auroit-il accepté… Puis-je en douter, grands Dieux ?
Cyrus n’eſt pas Amant, il eſt ambitieux.
Si du fond de l’Aſie il vient briſer mes chaînes,
Mon Trône eſt le ſeul prix qu’il propoſe à ſes peines.
Cet eſpoir le flattoit ; le ſort l’a démenti,
Et dans ce grand revers il a pris ſon parti.
L’ingrat ne m’aime plus.

Cleone.

L’ingrat ne m’aime plus. Dites plûtôt, Madame,
Qu’il ne brula jamais d’une plus belle flâme ;
Qu’étouffant un amour qui vous ſeroit fatal,
Son cœur pour vous ſauver, vous cede à ſon Rival.
Captif, il eſt contraint de ceder à l’orage :
Il ſçait de Tomyris tout ce que peut la rage.
Il prévoit les malheurs qui vont tomber ſur vous.

Mandane.

Que ne m’épargnoit-il le plus cruel de tous !
Croit-il donc que l’exil, la priſon, la mort même