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TRAGEDIE.

Loin d’être ſes vengeurs, ſeront ſes ennemis,
Et de leurs fers briſés viendront nous rendre graces,
Plutôt que d’accomplir ſes ſuperbes menaces.
Ne differez donc pas.

Tomyris.

Ne différez donc pas. Détrompez-vous, Seigneur,
Craignez tout des efforts d’une première ardeur,
Tous ces peuples ſoumis ſont faits à l’eſclavage ;
Et de la liberté quand nous perdons l’uſage,
Le temps ſeul dans nos cœurs en reveille l’amour.
Non, non, ce n’eſt point là l’ouvrage d’un ſeul jour.
Cyrus à ſon courage égalant ſa prudence,
Prend ſoin ſur ſes bienfaits de fonder ſa puiſſance.
Moi-même, je l’ai vu de vingt Rois entouré :
Quel reſpect ! quel amour ! il en eſt adoré.
Je ne rends qu’à regret ce tribut à ſa gloire.
Mais on adorera juſques à ſa memoire ;
Et s’il perd par nos mains la lumiere des Cieux,
Mille fleuves de ſang inonderont ces lieux.
Je vous l’ai déja dit ; les Perſans pleins de rage,
Bientôt de ſa priſon viendront venger l’outrage.
Malgré tous mes captifs qu’ils offrent pour Cyrus,
Ils n’ont pu de ma part obtenir qu’un refus.
Pour prevenir les maux où le Ciel nous condamne,
Il faut ſans differer vous unir à Mandane.
Je l’ai laiſſée en proie à ſes ſoupçons jaloux,
Elle veut un moment s’expliquer avec vous,