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Page:Barbier - Théâtre, 1745.pdf/293

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LA MORT

César.

Si Brutus a dans Rome obtenu la Préture,
Au moins Antoine peut le ſouffrir ſans murmure ;
Sur vous mon amitié répand bien plus d’éclat,
Puiſque vous me devez l’honneur du Conſulat.
Je ne me plains pourtant ni de l’un ni de l’autre,
Et la foi de Brutus ne doit rien à la vôtre :
Mais quoi qu’il ait pour moi de zele & de reſpect ;
Son nom m’eſt odieux, & me le rend ſuſpect.
Oui je me ſens fremir auſſi-tôt qu’on le nomme,
Un Brutus autrefois chaſſa les Rois de Rome ;
Ce Brutus, cher Antoine, étoit de ſes Ayeux.
Je ſçai que ſur lui ſeul Rome entiere a les yeux.
J’ignore s’il prétend me ſervir ou me nuire :
Mais je ne vois que lui qui puiſſe me détruire.

Antoine.

Quels que ſoient ſes deſſeins il faut les prévenir :
Aſſurez-vous de lui… Qui peut vous retenir ?
Pour conſerver vos jours tout devient legitime.

Cesar.

Quoi ! pour ſauver mes jours j’oſerois faire un crime ?
Sur les pas des Tyrans je pourrois… Ah ! plûtôt
Quittons la Dictature, & mourons s’il le faut.
Aux Romains contre moi ne donnons pas des armes.
Mais je puis ſans éclat diſſiper mes allarmes :
Oui, quoi qu’enfin Brutus cauſe tout mon ennui,
Il faut que je menage un homme tel que lui.