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LA MORT

C’eſt l’ardeur de régner qui conduit tous mes pas.
De cette noble ardeur l’ame toute occupée,
Je ſçus du premier rang precipiter Pompée ;
Et ſa chute irritant mes déſirs empreſſés,
Je pourſuivis par tout ſes amis diſperſés.
Tu ſçais par quels travaux, courant de guerre en guerre,
J’ai voulu meriter l’empire de la terre :
Mais malgré tant de ſoins je me trouve réduit
A m’en voir en un jour enlever tout le fruit.

Albin.

Voyez plutôt la gloire où ce jour vous éleve.
Tout ce qu’a fait Céſar, Rome en un jour l’acheve.
Le Senat par votre ordre eſt prêt à s’aſſembler ;
Ne ſongez qu’aux honneurs dont il va vous combler.

Cesar.

Helas ! que ces honneurs perdent bien de leurs charmes,
Quand on les enviſage à travers tant d’allarmes !
Je vois de toutes parts les cieux étincelans,
Dans les airs embraſés mille ſpectres volans.
Des hommes tout en feu qu’enfantent des abymes,
Incertain de mon ſort j’ai recours aux victimes,
Je porte dans leurs flancs mes regards curieux ;
Tout m’annonce à la fois la colere des Dieux.
Pour délivrer mes yeux de ces objets funebres,
Je cherche, mais en vain, le ſecours des ténebres,
Je vois briller le jour au milieu de la nuit.