Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/284

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avenir, ils se relèvent lourdement et disent : « Qu’avons-nous fait ! » Ils ne savent pas ce qu’ils ont fait. Leurs yeux se ferment à demi — se détournent vers eux-mêmes comme s’ils se possédaient encore. La sueur roule comme des larmes et creuse son sillon.

Je ne la reconnais pas. Elle ne se ressemble plus. Son visage est flétri et ruiné. Ils ne savent plus comment reparler d’amour ; pourtant ils se sont regardés, pleins, en même temps, d’orgueil et de servilité, puisqu’ils sont deux. Il y a plus de trouble sur la femme que sur l’homme, malgré leur égalité : elle est définitivement marquée, et ce qu’elle a fait est plus grand que ce qu’il a fait. Elle serre et tient l’hôte de sa chair, tandis que la buée de leur souffle et de leur chaleur les entoure.

L’amour ! Cette fois, il n’y a pas eu, pour pousser l’un sur l’autre ces deux êtres, de stimulant équivoque. Il n’y a pas eu de voile, de nuit, de subtilité coupable. Il n’y a eu que deux corps jeunes et beaux comme deux magnifiques animaux pâles, qui se sont rejoints avec les cris simples et les gestes de toujours.

S’ils ont violé des souvenirs et des vertus, c’est par la force même de leur amour, et leur ardeur a tout purifié comme un bûcher. Ils furent innocents dans le crime et dans la laideur. Ils n’ont pas, ceux-là, de regret, de remords ; ils continuent