Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/285

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à triompher. Ils ne savent pas ce qu’ils ont fait ; ils croient qu’ils se sont unis.

Ils sont assis au bord du lit. Malgré moi, je rentre le cou avec angoisse, à les voir si proches de moi et si terribles. J’ai peur de l’être énorme et tout-puissant, qui m’écraserait s’il savait que nous sommes face à face.

Il lui dit, la tête préoccupée par l’acte accompli, montrant, par ses vêtements entr’ouverts, sa grande poitrine de marbre, et ayant cueilli dans sa main sombre la douce main calmée, endormie :

— Maintenant, tu es à moi pour toujours. Tu m’as fait connaître l’extase divine. Tu as mon cœur et j’ai ton cœur. Tu es mon épouse éternelle.

Elle dit :

— Tu es tout.

Et ils s’appuient plus encore l’un sur l’autre, chargés d’augmentante et d’exigeante adoration.

Comme ils n’ont pas su ce qu’ils faisaient, ils ne savent pas ce qu’ils disent, avec leurs bouches mouillées l’une de l’autre, leurs yeux fixes et éblouis qui ne leur servent qu’à s’embrasser, leurs têtes pleines de mots d’amour.

Ils partent pour la vie comme un couple de légende, inspirés et vermeils : le chevalier qui n’a de ténébreux que le marbre noir de ses cheveux, et qui arbore sur son front des ailes de fer ou une crinière de bête, et la vague prêtresse fille des dieux païens, ange de la nature.