Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/286

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Ils brilleront au soleil ; ils ne verront rien autour d’eux, aveuglés par le jour, et ils ne subiront de lutte que celle de leurs deux corps, dans les colères superbes de leur passion, ou que l’affût de leurs jalousies, car deux amants sont beaucoup plus deux ennemis que deux amis. Ils n’auront de souffrance que la tension aiguë de leur désir, lorsque le soir oppressera leur corps d’une tiédeur aussi forte que celle d’un lit.

Il me semble qu’à travers les apparences du décor et de l’époque, je les suis des yeux à travers la vie qui n’est pour eux que des plaines, des montagnes, ou des forêts ; je les regarde, voilés d’une lumière, protégés pour un temps contre les magies affreuses du souvenir et de la pensée, défendus contre l’importance de l’ombre et les embûches infinies du grand cœur qu’ils portent malgré tout.

Et ces préludes de leur destinée, je les lis dès ce premier enlacement, dont ma haute contemplation a respecté tous les détails, que j’ai vu dans sa grandeur et dans ses petitesses, et que j’ai bien fait de voir ainsi.

Il y a une forme féminine au fond de la chambre grise. Une autre femme ? Il me semble que c’est toujours la même…

Dans la pénombre, elle est dévêtue, blanche, pâle, avec des bandelettes sanglantes près d’elle. Le dos courbé, la tête penchée, elle saigne… Atten-