Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/34

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aux doigts. J’entendis et je vis un crépitement clair de bois sec dans l’humidité noire et froide. Elle jeta l’allumette sans allumer la lampe, et il n’y eut d’éclairement dans la pièce que par cette lueur qui venait d’en bas.

Le foyer rougeoya, tandis qu’elle passait et repassait devant, avec un bruit de brise, comme devant un soleil couchant. On voyait remuer en silhouette sa grande personne élancée, ses bras obscurs et ses mains d’or et de rose. Son ombre rampait à ses pieds, s’élançait au mur, et volait au-dessus d’elle sur le plafond incendié.

Elle était assaillie par l’éclat de la flamme, qui, comme de la flamme, se roulait vers elle. Mais elle se gardait dans son ombre ; elle était cachée encore, encore recouverte et grise ; sa robe tombait tristement autour d’elle.

Elle s’assit sur le divan en face de moi. Son regard voleta doucement parmi la chambre.

A un moment, il se posa sur le mien ; sans le savoir, nous nous regardâmes.

Puis, sorte de regard plus aigu, d’offrande plus chaude, sa bouche qui pensait à quelque chose ou à quelqu’un se détendit ; elle sourit.

La bouche est sur le visage nu quelque chose de nu. La bouche qui est rouge de sang, qui saigne éternellement, est comparable au cœur : c’est une blessure, et c’est presque une blessure de voir la bouche d’une femme.

Et je commençai à frissonner devant cette femme qui s’entr’ouvrait et saignait d’un sourire. Le divan s’enfonçait tièdement sous l’étreinte de ses larges