Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/56

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Ils ne disent plus rien, comme s’il n’y avait plus de paroles pour eux. Ils sont au bord d’eux-mêmes, et l’on voit leurs mains trembler entre eux.

Ils obéissent à cette inspiration de leurs mains ; ils vont à tâtons vers le bonheur étrange et tragique, vers la faute heureuse qu’on commet en même temps, vers l’enlacement qui fait que deux êtres recommencent la vie, intimement mêlés, comme un seul être informe.

Je ne les voyais pas distinctement… Il me sembla qu’il porta les mains sur elle, pendant que, les yeux resplendissants, elle attendait. Il me sembla que, dans l’ombre brûlante qui les tenait, il était à demi-dévêtu, et que, des vêtements bouleversés, écartés, sa nudité s’était érigée… Fleur étrange, profonde, qui est la même chose que ses entrailles, que toute sa chair, et que son cœur, et qui est entre eux comme un mystère vivant, comme un miracle, comme un enfant.

… Sans doute, il avait soulevé sa robe, car je perçus cette parole exhalée tout bas, confuse, étouffée, sacrifiée, dans le silence terrible :

— C’est ta vraie bouche.

Et moi je palpitais sur eux, tandis qu’un amour affreux, un amour énorme de la vérité écartelait mon corps sur le mur… Comme si cette haleine