Page:Barbusse - L’Enfer.djvu/57

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les brûlait, les affolait, ils eurent peur, et se levèrent. C’était fini. La poignante aventure qui, par hasard, avait préludé sous mes yeux, continuerait ailleurs et s’achèverait ailleurs.

À peine se sont-ils levés que la porte s’est ouverte. La vieille grand’mère est là, qui se penche. Elle vient du gris, et des fantômes, elle vient du passé. Elle les cherche comme s’ils étaient égarés. Elle les appelle à mi-voix… Par une coïncidence extraordinaire qui, s’harmonise à leur présence, elle a mis dans son accent une douceur infinie, presque — ô prodige ! — de la tristesse.

— Vous êtes là, mes enfants ?

Elle dit avec un petit rire pur, sans arrière-pensée :

— Qu’est-ce que vous faites donc là ?… Venez, on vous cherche…

Elle est vieille, flétrie ; mais elle est angélique, avec sa robe jusqu’au cou. A côté d’eux, qui se préparent à la vie immense, elle est devenue désormais comme un enfant : inactive, inutile…

Ils se jettent dans ses bras, exhaussent leurs fronts vers sa sainte bouche abandonnée. Il semble qu’ils lui disent adieu pour toujours.

Elle s’en va. Et un instant après, eux, sont partis, hâtés comme ils sont venus : unis par l’invisible et sublime lien du mal ; tellement unis qu’ils ne se tiennent plus la main comme en entrant. Mais, sur le seuil, ils se regardent.