Page:Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 5.djvu/207

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père, de leur famille, de leur tribu, elle pria, elle somma Kishen-Kower de prévenir les malheurs que menaçaient de produire ces dons pour elle si funestes de la naissance et de la beauté. Elle lui présenta le breuvage empoisonné. La grandeur d’âme de la princesse se trouva au niveau de sa destinée. D’une main assurée, saisissant la coupe fatale, elle la vida tout entière ; puis, par un douloureux retour vers le monde qui s’allait fermer pour elle, elle s’écria : « Voilà donc la fête nuptiale qui m’était réservée ! » La cruelle nouvelle ne tarda pas à se répandre d’abord dans le palais et bientôt dans tout Odeypoor. L’extraordinaire beauté, les nobles qualités, la grandeur d’âme, la jeunesse de la victime excitaient dans tous les cœurs l’horreur et la pitié. De tous côtés s’élevaient de grands cris de douleur, des lamentations sans fin ; c’était à qui plaindrait sa fatale destinée, à qui célébrerait son courage, à qui prodiguerait la menace et l’injure aux auteurs, aux conseillers de ce cruel sacrifice… Frappée du même coup, la malheureuse mère survécut à peine quelques jours à sa fille bien-aimée, sa joie et ses délices.

Un des grands d’Odeypoor, Adjeit-Sing, qui possédait un crédit sans limites sur l’esprit du rajah, avait été dans cette circonstance le misérable instrument d’Ameer-Khan. En revanche, un autre chef d’une famille puissante eut une conduite bien différente. Sugwan-Sing, chef de Karraduz, déjà courbé par l’âge, eut à peine appris ce qui se