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Page:Barchou de Penhoën - Histoire de la conquête de l’Inde par l’Angleterre, tome 5.djvu/377

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heureuse mère forcée de la piler de ses propres mains dans un mortier. Les autres enfants, puis la mère elle-même, subirent d’autres supplices non moins affreux. Le récit de cette terrible tragédie sembla paralyser l’énergie jusque là renommée du malheureux père ; ses partisans, qui auraient eu besoin d’être animés par lui, ne firent eux-mêmes qu’une faible résistance ; bientôt il fut réduit à venir demander un asile à Colombo. Le général Bowring hésita quelque temps à lui accorder une audience ; il craignait de paraître embrasser trop ouvertement sa cause ; l’entrevue eut cependant lieu. À peine Eheilapola fut-il en sa présence, qu’il éclata en larmes et en sanglots. Le gouverneur s’empressa de lui prodiguer les assurances les plus solennelles de secours et de protection ; et l’adigar, qui avait passé sa vie au milieu des montagnes de Ceylan, exprima toute sa reconnaissance avec une effusion sans réserve. Comme il n’avait plus un seul lien de famille au monde, il sollicita du gouverneur la permission de lui donner le titre de père, de le considérer comme un parent qui au milieu de ses infortunes lui serait resté. Eheilapola apercevait la mer pour la première fois. Malgré sa douleur, il parut, dit-on, singulièrement sensible à la majesté de ce grand spectacle. Par un hasard étrange, il en recevait l’impression en même temps que celle de la civilisation européenne ; on le voyait admirer celle-ci dans ses plus petites, comme dans ses plus grandes créations.