des écrits plus émouvants, poignants, colorés que n’importe quel récit d’auteur célèbre[1] ; il fut aussi critique de grande valeur. Schumann également, dans une revue qu’il avait fondée[2], combattit toute sa vie pour la bonne cause artistique avec le style le plus expressif, l’esprit le plus aiguisé, le jugement le plus élevé. On a encore de lui des lettres qu’un littérateur ne désavouerait pas.
Liszt, à qui on peut reprocher sa vie trop accidentée et surtout un caractère enclin à une pose grandiose, écrivait avec un lyrisme et un éclat assorti à son jeu dont Berlioz a donné une frappante idée quand il s’exprime, en parlant du célèbre Hongrois, de la façon suivante : « Au piano il brille comme l’éclair, éclate comme la foudre et laisse après lui une odeur de soufre ! »
- ↑ Entre autres récits pathétiques Berlioz raconte qu’une nuit le
plan, les motifs principaux d’une symphonie se présentèrent à son
esprit, avec une précision, une vivacité exceptionnelles. Il se leva
et allait noter son inspiration, quand il songea que, s’il entreprenait
une œuvre de cette importance, elle l’absorberait pendant des
mois et que, pour s’y consacrer comme il le fallait, il négligerait,
abandonnerait un travail payé, grâce auquel il possédait l’argent
nécessaire à l’existence. Pour lui, il s’en fût passé, n’importe
comment, mais sa femme était malade, des soins onéreux s’imposaient
pour, au moins, adoucir ses souffrances… Alors il se passa
cette chose sublime et monstrueuse : Toute la nuit Berlioz lutta
contre l’idée obsédante, la repoussant, s’obstinant dans les ténèbres
à ne pas l’écrire, à faire taire, à tuer la voix merveilleuse qui
chantait dans son âme ! Vers le matin, brisé par une résistance
surhumaine, il tomba dans un sommeil pareil à la mort… et
quand il reprit conscience, la divine inspiration s’était envolée…
On se demande quelle énergie put permettre un pareil sacrifice, on en demeure plus bouleversé que par l’aspect d’un tragique suicide !
- ↑ Neue Zeitschrift für Musik (Nouvelle Revue Musicale) dont le premier numéro parut le 3 avril 1834.