Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/106

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de la souveraineté de l’imagination avec l’expansion de la personnalité du poète ». En d’autres termes, à s’en tenir à l’essence des choses, « le romantisme, c’est le lyrisme », et la définition a l’air d’avoir été inspirée par Musset, tant elle s’applique exactement à lui. Il avait toujours eu le goût « de se mettre lui-même, de sa personne, dans son œuvre ».

Ce goût devint un besoin impérieux après sa grande passion. Il ne resta plus au poète de pensées ni de paroles pour autre chose que son malheur. Que lui importait le reste, à présent ? Il n’avait pas trop de tout son génie pour raconter les épouvantes de la catastrophe qui était venue scinder sa vie en deux, obligeant à dire « le Musset d’avant l’Italie » et « le Musset d’après George Sand ». Au recul vers la forme classique correspondit un débordement de romantisme dans le sentiment.

La Nuit de mai fut écrite en deux nuits et un jour, au printemps de 1835, quelques semaines après la rupture définitive avec George Sand. Elle respire une lassitude profonde. Il n’y a pas de colère dans les réponses du poète à la Muse qui l’invite à chanter le printemps, l’amour, la gloire, le bonheur ou ses semblants, le plaisir ou son ombre. C’est la douceur plaintive d’un malade accablé par son mal, et qui supplie qu’on ne le force pas à parler :

    Je ne chante ni l’espérance,
    Ni la gloire, ni le bonheur,
    Hélas ! pas même la souffrance.
    La bouche garde le silence
    Pour écouter parler le cœ