Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/155

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mutuelle imprudence l’a séparée à jamais de Perdican. Pauvre, pauvre Camille !

Les autres jeunes filles de Musset ont un air de famille avec les coryphées du choeur. Toutes ces chastes héroïnes ont deux traits en commun. Elles sont fidèles à leur vocation de femmes, de s’épanouir par l’amour et le mariage, et elles sont très honnêtes, y compris la simple Rosette, que Perdican abuse par des paroles trompeuses. Elles ont le charme des natures saines, et n’ont pu être créées que par un poète qui avait gardé intact, à travers les désillusions et les déchéances, le respect de la jeune fille. Musset a toujours vu les Ninon et les Ninette de la réalité avec les yeux d’un croyant, et elles lui ont inspiré en récompense la partie la plus pure de son oeuvre.

L’histoire du théâtre de Musset est singulière. Ses pièces dormirent longtemps dans la collection de la Revue des Deux Mondes, pas très remarquées à leur apparition, et vite oubliées. Leur publication en volume, en 1840, ne fit non plus aucun bruit. Elles étaient presque ignorées quand Mme Allan, alors à Saint-Pétersbourg, entendit vanter une petite pièce russe qui se donnait sur un petit théâtre. Elle voulut la voir, la trouva de son goût et en demanda une traduction pour la jouer devant la cour impériale. Quelqu’un simplifia les choses en lui envoyant un volume intitulé Comédies et Proverbes, par Alfred de Musset : la petite pièce russe était le Ca