Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/80

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d’imprimerie. Il faut en prendre son parti ; c’est la rançon des amours de gens de lettres, qu’on doit acquitter même avec Musset, qui était aussi peu auteur que possible.

Les lettres de Venise continuaient à jeter de l’huile sur le feu. George Sand ne parvenait pas à cacher que le souvenir de l’amour tumultueux et brûlant d’autrefois lui rendait fade le bonheur présent. Elle était reconnaissante à Pagello, qui l’entourait de soins et d’attentions : « C’est, écrit-elle, un ange de douceur, de bonté et de dévouement ». Mais la vie avec lui était un peu terne, en comparaison : « Je m’étais habituée à l’enthousiasme, et il me manque quelquefois…. Ici, je ne suis pas Madame Sand ; le brave Pietro n’a pas lu Lélia, et je crois qu’il n’y comprendrait goutte…. Pour la première fois, j’aime sans passion (12 mai). » Pagello n’est ni soupçonneux ni nerveux. Ce sont de grandes qualités ; et pourtant ! « Eh bien, moi, j’ai besoin de souffrir pour quelqu’un ; j’ai besoin d’employer ce trop d’énergie et de sensibilité qui sont en moi. J’ai besoin de nourrir cette maternelle sollicitude, qui s’est habituée à veiller sur un être souffrant et fatigué. Oh ! pourquoi ne pourrais-je vivre entre vous deux et vous rendre heureux sans appartenir ni à l’un ni à l’autre ? » Elle voudrait connaître la future maîtresse de Musset ; elle lui apprendrait à l’aimer et à le soigner. Mais cette maîtresse sera peut-être jalouse ? « Ah ! du moins, moi, je puis parler de toi à toute heure, sans jama