Page:Barine - Alfred de Musset, 1893.djvu/95

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ses supplications de reproches à Dieu, qui l’a abandonnée dans cette circonstance et à qui elle propose un marché : « Ah ! rendez-moi mon amant, et je serai dévote, et mes genoux useront le pavé des églises ! »

Elle ne s’en tenait pas aux paroles. Elle coupa ses magnifiques cheveux et les envoya à Musset. Elle venait pleurer à sa porte ou sur son escalier. Elle errait comme une âme en peine, les yeux cernés, le désespoir sur la figure.

Musset l’aimait toujours. Il ne put résister.—Billet de George Sand à Tattet(14 janvier 1835) : « Alfred est redevenu mon amant ».

Les semaines qui suivirent furent affreuses, et nous en épargnerons au lecteur le récit pénible et monotone. On s’étonne qu’ils aient pu y résister et ne pas devenir fous. Ils s’obstinaient à ne pas accepter le passé, leur passé impur et ineffaçable, et à poursuivre le fantôme d’une affection sublime et sacrée. Plus que jamais, les souvenirs et les soupçons empoisonnaient chacune de leurs joies, et des querelles hideuses couronnaient leurs ivresses.

Un jour enfin, George Sand déclare qu’elle n’en peut plus, et qu’elle est décidément incapable de le rendre heureux : « O Dieu, ô Dieu, continue-t-elle, je te fais des reproches, à toi qui souffres tant ! Pardonne-moi, mon ange, mon bien-aimé, mon infortuné. Je souffre tant moi-même…. Et toi, tu veux exciter et fouetter la douleur. N’en as-tu pas assez comme cela ? Moi, je ne crois pas qu’il y ait