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Page:Barni - Manuel républicain.djvu/23

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LE SUFFRAGE UNIVERSEL.

Le suffrage universel, qui dérive nécessairement du principe de la souveraineté du peuple, substituée à celle d’un monarque ou d’une aristocratie, n’exprime sans doute, dans la pratique ordinaire, que la volonté de la majorité des citoyens, car il est bien rare que tous s’accordent à rendre un seul et même vote. Mais cette volonté n’en est pas moins souveraine, puisqu’il n’y aurait pas de société politique possible si la minorité ne se soumettait pas aux décisions de la majorité. Sous peine de voir la république se fractionner en autant de parties qu’il y aurait de volontés divergentes, et s’abîmer ainsi dans l’anarchie, il faut bien admettre la loi des majorités. C’est dans cette loi que se résout forcément le principe de la souveraineté populaire, et c’est par conséquent cette loi qui est en définitive la base du gouvernement républicain.

S’ensuit-il que la majorité ait le droit de tout faire ? Non, elle n’a pas le droit d’opprimer la minorité, ni même un seul citoyen. La majorité du peuple athénien avait beau condamner Socrate à boire la ciguë, cette condamnation n’en était pas moins un crime. La souveraineté du peuple ne signifie pas que le peuple ou la majorité du peuple puisse se permettre tout ce qui lui plaît. Ce serait alors le despotisme du nombre ; et le despotisme, ou le règne du bon plaisir, qu’il soit exercé par un César ou par une multitude, est toujours