Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/498

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XIX

« LAISSEZ BÊLER LE MOUTON »

De Saint-Hélier, la route suit en se courbant la baie de Saint-Aubin, où les amazones chevauchent sur le sable et que bordent des maisonnettes fleuries de géraniums. On quitte la mer pour la montagne, et voici des écriteaux qui défendent l’accès des chemins privés de Saint-Brelad’s villa. Sturel, quand son cocher lui désigna dans les verdures un cottage au toit pointu, égayé de majoliques, de balcons et d’annexes fantaisistes, contemplait depuis quelques minutes un grand drapeau tricolore hissé sur un mât blanc, qui associait à cette maison baroque toutes les grandes idées de l’exil.

Cette protestation du soldat qui, chassé par une ingrate patrie, s’enorgueillit des trois couleurs, restitua au jeune pèlerin une sensibilité toute neuve pour les doctrines du parti national. « On ne soulève pas les masses, pour une action durable, sans des principes, se disait-il, et le cri de « Vive Boulanger ! » ne fait l’emploi d’un principe qu’à la condition d’aboutir rapidement à un coup de force. Il fallait oser le soir du 27 janvier. La tâche aujourd’hui, c’est de remédier à