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LA FIÈVRE EST EN FRANCE

chose de très bon. Dualité qui se retrouvait dans sa conduite : il prenait des décisions audacieuses, il exigeait de ses subordonnés une soumission absolue et en même temps il se montrait bienveillant et vite affectueux. Tout ce qu’on lui demandait, il l’accordait, et à des hommes de tous les partis. Députés et journalistes sortaient de son cabinet avec de l’amitié pour ce charmant soldat français. Personne n’ignorait ses titres de service. Sous-lieutenant au 1er tirailleurs indigènes, le 3 juin 1859, il tombait frappé d’une balle en pleine poitrine au combat de Turbigo, en abordant le premier les Autrichiens ; lieutenant au même corps, le 18 février 1862, en attaquant le village annamite de Troï-Ca, il recevait un coup de lance dans le flanc ; lieutenant-colonel du 114e de marche, le 30 novembre 1870, à la bataille de Champigny, bien que blessé à l’épaule, il se faisait soutenir par ses sapeurs pendant qu’il entraînait ses soldats à l’attaque des hauteurs de Villiers. Enfin au Parlement, dans les bureaux et dans l’armée, il était en train de conquérir l’estime des gens compétents.

Le général Tramond et le colonel Lebel venaient d’inventer le petit fusil nommé fusil « Lebel » ou plus exactement « fusil modèle 1886 », alors le plus beau de l’Europe. Ils appartenaient à l’infanterie : l’arme savante, l’artillerie, leur fit une opposition où se rangea le comité technique. Boulanger décida de passer outre. Il entreprit de faire voter les dépenses et pour le fusil Lebel et pour la melinite de Turpin. Il invita la Commission du budget à l’accompagner. On prit le train secrètement et on descendit à Anizy-Pinon, sur la ligne de Soissons à Laon. Dans un cabaret, un déjeuner était préparé, que présidèrent