Aller au contenu

Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
LA COLLINE INSPIRÉE

de voituriers, d’aubergistes, de gens de journée, de fournisseurs qui, les yeux, les oreilles, la bouche démesurément ouverts, admirent dans le prédicateur le puissant esprit qui fera leur prospérité.

Étrange pyramide qui se construit sur ce haut lieu ! Un petit peuple lève son regard vers Léopold, et lui-même est tout tendu vers un monde mystérieux qu’il distingue déjà par éclair, derrière le monde des apparences. Ses yeux brillants erraient, dépassaient l’assemblée, ne voyaient plus que les fantômes qui flottent au-dessus du couvent et là-bas, sur l’autre pointe de la colline, au-dessus des ruines de Vaudémont.

— … Quod isti et istæe, cur non ego ? Ce que ceux-ci et celles-là ont fait, pourquoi ne le ferais-je pas ?

Léopold ne doutait pas que les anciens chevaliers de Notre-Dame de Sion et les comtes de Vaudémont, s’ils étaient sortis de la tombe, ne l’eussent reconnu, entouré comme l’un d’eux, et que, tous ensemble, ils auraient marché pour le service de Dieu. Maintenant il prêche la croisade. Comme sa figure s’illumine ! Il se voit chevauchant à la tête des nouvelles cohortes de Sion contre la Jérusalem du Diable, qui, dans l’espèce, se