Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/186

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promettait à ses fidèles depuis la première semaine de l’Avent. Dans les agapes ordinaires, chacun apportait sa part, la congrégation se bornant à offrir un gâteau bénit, dont chacun des assistants emportait un morceau pour sa famille. Cette fois, vu la solennité, l’agape eut un caractère plus généreux. Dès le début, le Pontife d’Adoration fit sauter le champagne. Fort expansive déjà, la joie des fidèles éclata avec violence au moment où les orthodoxes sortirent de leur misérable messe et de leur église démeublée.

Au nombre d’une douzaine, leurs lanternes à la main, ils s’en allaient dans la nuit ; ils redescendaient à Saxon en faisant cortège à l’Oblat. Soudain les fenêtres du couvent s’ouvrirent, et les religieuses apparurent, riant et chantant à gorge déployée. Elles chantaient un vieux Noël en patois lorrain, un Noël gothique, comme on dit dans le pays, tout plein d’images paysannes de guerre et de pillage :

Alarme, Compagnons,
Car je vois de bien loin
Une grosse troupe de gendarmes et soldats
Qui nous prendront nos troupeaux tout à l’heure.
Hélas ! ils sont partout,
Tout en est noir,
Ils sont drus et menus,
Ils feront la guerre à riche et à pauvre.