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Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/319

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LA COLLINE INSPIRÉE

lune, et l’on distinguait en silhouette la figure de Léopold, immobile sur la chaise où il était venu s’asseoir en sortant de table.

À quoi rêvait-il, le vieux prêtre, son coude appuyé sur le bord de la croisée, et ne quittant pas du regard les nuages ? Y voyait-il les contours de ses domaines perdus, les formes de Sainte-Odile, de Flavigny, de Mattaincourt ? Tenait-il les étoiles comme autant d’âmes restituées à la pure lumière par sa propagande ? Ou bien, se dépassant d’un nouvel échelon, s’élevait-il au-dessus des désirs terrestres, au-dessus du souci plus noble des âmes, pour atteindre, sur l’échelle de Jacob, le point d’où le Voyant participe aux songeries du ciel ? Hélas ! il fallait que de ses ambitions, de son apostolat et de ses hautes folies, il redescendit au niveau de son petit monde divisé, mécontent, insatisfait, et qu’il entendit à ses pieds, au ras du sol, la dispute.

Marie-Anne dénonçait que Quirin et sœur Quirin buvaient en cachette le vin dont ils faisaient commerce pour la communauté.

— Menteuse ! répliqua la sœur Quirin. Qui est-ce qui travaille ici ? Aujourd’hui encore, Quirin a placé quatre barriques.

Tout cela murmuré, chuchoté plutôt que parlé.