Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/383

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froid et sonore commence à souffler continûment sur la colline ; le soleil ne l’éclaire plus que bien rarement d’une franche lumière. Dans ce vieux cœur, la vie prend les couleurs désolées d’un février lorrain, tout de vent, de dégel et de pluie ; l’horizon se rapproche, le silence se fait, les formes s’enveloppent de brouillard. C’est l’hiver plus en rapport avec sa défaite, avec la monotonie de son âme, avec le repliement de son génie monocorde. Léopold semble aux yeux de tous un vieillard plus aride et plus pierreux que le sommet de Sion, mais sur cette lande, les esprits dansaient. C’est l’âge et c’est l’heure où Victor Hugo produit le Pape, l’Âne, la Pitié suprême. Personne ne tient plus les orgues, mais elles continuent de vibrer et d’emplir les voûtes.

Un soir glacial de l’année 1883, au milieu d’une tempête de neige, un jeune paysan qui se rendait à cheval de Vézelise à Étreval, entendit dans un champ des appels désespérés. Il se dirigea vers l’endroit d’où partaient les cris et trouva un vieil homme, affolé de terreur et de froid, qui battait les champs au hasard. C’était Léopold Baillard.

L’hiver, cette année-là, était particulièrement rude. Depuis trois semaines, la neige et