Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/384

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le froid tenant Léopold bloqué dans sa pauvre masure, il passait ses journées avec Marie-Anne, tous deux serrés dans l’âtre de la cuisine, et de fois à autre, désireux de regarder au dehors, ils approchaient un fer chaud de la vitre pour fondre la glace qui se reformait aussitôt. Cependant l’argent manquait à la maison, et ce matin-là, bravement, Léopold avait dit se mettre en route pour aller recouvrer une créance à Vézelise. Son affaire s’y régla plus vivement qu’il n’avait osé l’espérer ; trois heures achevaient de sonner ; la soirée dans la petite ville s’annonçait pénible et coûteuse. Quoique la nuit en cette saison vienne avec rapidité, il calcula qu’il avait le temps de regagner Saxon, et sans plus tarder il prit les sentiers à travers champs. À cette heure où le crépuscule commençait de tomber la plaine offrait un spectacle plein de tristesse. La neige poussée par le vent s’était amassée aux points où quelque obstacle l’arrêtait, contre une clôture de haie, contre un revers de talus et donnait au pays un aspect inconnu. Sous ce linceul argenté, les objets perdaient leur apparence réelle. La nuit descendait rapidement. Bientôt il n’y eut plus de clarté que celle qui sortait du sol éblouissant de blancheur. Une brume glaciale qui s’abat-