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Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/16

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plus humblement, pour s’assurer de l’ordre, de la sécurité et pour créer une nationalité. Malheureusement, notre maison ducale était inférieure en intelligence politique aux Capétiens. Nos ducs nous défendirent mal, puis nous abandonnèrent.

Nous avons accueilli avec enthousiasme, peu après notre réunion à la France, les préludes de la Révolution. De 1786 à 1789, notre petite nation, mal renseignée espéra un gouvernement indigène par une assemblée provinciale. Au XVIIe siècle, environ les trois quarts d’une population totale de quatre cent mille habitants étaient morts dans les horreurs de l’occupation française, et cela avait été une condition extrêmement favorable pour la substitution de l’idéal français au lorrain sur notre territoire repeuplé avec des paysans de France ; mais l’union décisive se fit grâce aux avantages matériels procurés aux paysans et aux bourgeois par la grande Révolution et ensuite grâce à la fraternité de combat et de gloire scellée dans les guerres républicaines et impériales. En 1814, Blücher fit appel aux idées séparatistes. Il dit à la municipalité de Nancy : « Puissé-je ramener pour vous le bon vieux temps dont jouirent vos ancêtres sous le gouvernement doux et paternel de vos anciens ducs ! » On ne le comprenait plus.

En un mot, — et voici ce que veut démontrer cet exemple, — nous, Lorrains, nous ne sommes pas Français, parce que la France est la fille « aînée de l’Église » ni parce qu’elle a fourni au monde la « Déclaration des Droits de l’Homme », nous n’avons pas