Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/17

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adhéré à la Patrie comme à un esprit, comme à un ensemble de principes. En fait, nous sommes venus à la France parce que nous avions besoin d’ordre et de paix et que nous ne pouvions en trouver ailleurs. Notre patriotisme n’a rien d’idéaliste, de philosophique ; nos pères étaient fort réalistes. Et pourtant il est bien exact que nous tendions vers la France plutôt que vers l’Allemagne, parce que celle-là est une nation catholique, et c’est encore vrai que les conquêtes civiles de la Révolution et les gloires militaires de l’Empire ont gagné le cœur de notre population. Ainsi, notre patriotisme est fait de tous les éléments que les dialecticiens s’efforcent de maintenir séparés et en opposition.


Ce bref tableau des aventures qui associèrent la Lorraine à la fortune de la France prouve que sur la route de l’histoire on trouve toujours la conciliation. La logique, les distingo des raisonneurs perpétueraient des difficultés que la force des choses se charge d’anéantir. Les gens à systèmes sont puérils et malsains ; ils s’obstinent à maudire ce qui ne plaît pas à leur imagination. Nulle conception de la France ne peut prévaloir, dans nos décisions, contre la France de chair et d’os.

Si la « Patrie Française » parvenait à donner à ses adhérents ce sens du réel et du relatif, si elle pouvait convaincre les professeurs si honnêtes, si zélés (et qui parfois nous firent tant de mal ! 2) de juger les choses en historiens plutôt qu’en métaphysiciens, elle transformerait le détestable esprit