Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/18

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politique de notre nation, elle nous restituerait une unité morale, elle nous créerait enfin ce qui nous manque depuis un siècle : une conscience nationale.


II


Certes, Messieurs, une telle connaissance de la Patrie, issue de la sévère simplicité d’une vue historique, ne peut être élaborée que par une minorité, mais il faut qu’ensuite tous la reconnaissent et la suivent.

À ce résultat général comment parvenir ?

En développant des façons de sentir qui naturellement existent dans ce pays.

On ne fait pas l’union sur des idées, tant qu’elles demeurent des raisonnements ; il faut qu’elles soient doublées de leur force sentimentale. À la racine de tout, il y a un état de sensibilité. On s’efforcerait vainement d’établir la vérité par la raison seule, puisque l’intelligence peut toujours trouver un nouveau motif de remettre les choses en question.

Pour créer une conscience nationale, nous devrons associer à ce souverain intellectualisme dont les historiens nous donnent la méthode un élément plus inconscient et moins volontaire.

Pour moi, Messieurs, dévoyé par ma culture universitaire, qui ne parlait que de l’Homme et de l’Humanité, il me semble que je me serais avec tant d’autres agité dans l’anarchie, si certains sentiments de vénération n’avaient averti et fixé mon cœur.