Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/31

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but politique. Modifier la Constitution ? Instituer dans la République un pouvoir exécutif plus fort ? Notre principe et notre recrutement ne nous le permettent guère. Enfermons notre action politique dans les limites du paragraphe II de l’article 3 de nos statuts et bornons-nous, en conséquence, à « éclairer l’opinion sur les grands intérêts du pays ». Voilà la plus utile besogne, puisque les meilleures institutions n’auront d’efficace et de durée que si elles peuvent se raciner dans un état d’esprit politique transformé.

L’existence même de votre Ligue vaut comme un signe de cette aptitude du pays à se transformer. Que 60,000 citoyens se soient groupés pour offrir au président du Conseil un point d’appui moral, quand il fallait obtenir la loi de dessaisissement, c’est une grande chose ! Et, par là, dussions-nous disparaître demain, nous n’aurons point passé inutiles. Enfin j’imagine, Messieurs, que notre disparition injustifiée poserait avec force la question du honteux régime discrétionnaire auquel sont soumises les associations.

Si nous pouvions obtenir comme suite à ce scandale d’arbitraire légal qu’une législation nouvelle abolisse ou atténue les articles 241 et suivants du Code pénal, aggravés par la loi du 10 avril 1834 et que l’association devienne non plus une concession précaire, la jouissance d’une tolérance, mais l’exercice d’un droit, ce serait de notre vie un assez digne prix.

Ainsi nous aurions in extremis des raisons de nous réjouir. Notre mort ne pourrait être que superficielle. Quand nous se-