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LE SYMBOLISME

et l’homme apparaîtra tel qu’il est, sensuel d’abord, descendant ensuite tous les degrés de la luxure, depuis la perversité consciente jusqu’au sadisme et au cynique susurrement de la sénilité [1].

Le poète fait encore l’apologie de la chasteté, mais il la fait en sensuel, s’efforçant de découvrir dans l’exercice de cette vertu des motifs nouveaux d’érotisme [2]. Il est à l’heure trouble où s’affranchissant de tous les préjugés, il va tenter « un fier départ à la recherche de l’amour, loin d’une vie aux platitudes résignées [3] ». Le voici qui vogue à travers un océan inconnu sur l’épouvantable radeau de luxure [4]. Sans vouloir s’appesantir sur les poèmes de cette Trilogie érotique qu’il n’osa pas d’abord publier en France, c’est beaucoup qu’il s’oublie jusqu’à composer certaines Chansons pour elle [5], c’est trop qu’il ose versifier le rabâchage de Chairs et des Odes en son honneur. Il n’y a rien d’approchant dans la gauloiserie colorée de La Fontaine, la polissonnerie d’ailleurs superficielle de Voltaire et même l’enjouement pimenté de Bernis. Verlaine est ici visiblement le Faune des luxures, en proie à toutes les extravagances du délire érotique [6].

Pourtant, toute raison n’a pas abandonné le poète. Il a dans sa folie des éclairs de lucidité, et à leur lueur il entrevoit le bourbier sensuel au sein duquel il se noie : Le cœur, gémit-il,

Le cœur, quelle catin, alors qu’il se dérange[7].


Il se rond compte qu’il est une époque où les erreurs de passion équivalent au renoncement de toute dignité :

  1. Bonheur, XXVI.
  2. Bonheur, XII.
  3. Amour. Lucien Létinois, XV.
  4. Chanson pour elle, VII, XIX. — Confessions, XIII, 79.
  5. Chanson pour elle, III, VI, VIII, X, XIV, XV.
  6. Cf. par ex. parallèlement : l’Impénitent.
  7. Elégies, VII.