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LE SYMBOLISME



Des femmes, leurs seins nus, caressés de clartés.
Dans de grands parcs plantés d’hiératiques chênes
S’attardent à rêver des souillures prochaines
Et s’apprêtent pour les mauvaises voluptés[1] ;


par des poèmes de perversité mystique comme Impiétés où, dans un rythme singulièrement suggestif, il peint un étrange évêque qui, tout en officiant,

… Songe en son âme infidèle et vide
Qu’il est beau, tenant ainsi l’ostensoir.


Il est vrai que cette interprétation symbolique est immédiatement suivie de son interprétation réelle. Elle traduit le plaisir vaniteux du poète faisant des vers pour mériter l’approbation des foules lointaines et n’agitant l’encensoir des strophes que pour s’enivrer de ses odeurs.

Énergie brisée, lassitude et spleen, d’un mot anémie morale, traversée par des éclairs de mysticisme sensuel ou idéaliste, tel est chez Mikhaël le caractère essentiel de la poésie. Il ne croit pas nécessaire d’en corser l’originalité par l’emploi de fantaisies métriques et syntaxiques. La langue est d’une correction absolue et les vers révèlent plus le parnassien que le décadent. La pleine santé de la forme contraste ici avec la neurasthénie de l’idée.

3. Albert Samain. — Cette morbidesse s’épanouit chez Samain avec une intensité double, car elle atteint chez lui le fond et la forme. Après des tâtonnements et des essais d’un éclectisme curieux, Samain finit par y rencontrer en effet sa véritable originalité. Il lui doit de réaliser dans la perfection cette poésie de valétudinaire qui sent la vie lui échapper et qui met son point d’honneur à se regarder mourir avec grâce.

Le romantisme a d’abord fortement influencé la poésie de

  1. L’Hiérodoule.