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CHAPITRE PREMIER


coup d’œil sur la situation morale et sociale de la france lors de la révolution du 24 février 1848


Avant 1789, la lutte existait entre la noblesse et la classe moyenne, lutte qui, après la restauration de 1814, a recommencé pour ne se terminer que par le changement de dynastie opéré en 1830 ; à partir de cette dernière époque jusqu’en 1848, le terrain de la lutte avait changé, les combattants n’étaient plus les mêmes ; ce n’était plus la classe moyenne, y compris le peuple, qui combattait contre les classes privilégiées : non, ces deux éléments tout-puissants, irrésistibles, lorsqu’ils sont amis, s’étaient disjoints et étaient entrés sourdement en guerre. Quoique masqué par le mouvement des institutions libres, par le bruit de la presse, par le retentissement de la tribune, ce nouveau conflit n’en était pas moins réel et profond. Pour qui se fût donné la peine de pénétrer dans les ateliers, de parcourir les livres qu’on y lisait, de se faire rendre compte du chiffre énorme et très-significatif des brochures, des pamphlets, des almanachs, que le peuple achetait et dévorait, écrits exclusivement remplis de théories sociales sur les droits du travailleur, de