Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prouve. Robert voulait donc mourir pour donner à tous ses frères le bon exemple de la mort et protester contre la lâcheté universelle qu’il avait sentie à la base de toutes les misères. Il prenait le contre-pied de la philosophie traditionnelle qui place la sagesse dans la résignation ou le dédain. Mais, par une contradiction puérile qu’il n’apercevait pas bien, rien ne l’avait tenté jusqu’à ce jour d’une façon durable. On eût compris qu’il fût ambitieux, qu’il subordonnât les finalités générales à sa volonté propre ; mais point. Il se dispersait, s’attendrissait et s’égarait faute de connaître la limite de ses forces.

La veille encore, il avait entrevu dans l’amour de Laure Vignon un but difficile et désirable ; mais il s’en était aussitôt détourné pour ne pas finir dans les tendresses, et il avait cherché près d’une autre femme la déviation voluptueuse qui devait le remettre dans son chemin. Pouvait-il se laisser envahir par un sentiment unique et délicieux, pouvait-il s’enchaîner après avoir reconnu que l’humanité a besoin de libérateurs ? Pouvait-il s’arrêter au premier port quand l’Océan social l’attirait de