Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/158

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au bonheur commun ? Quelle passion de sacrifice vous entraîne ? Où donc avez-vous vu que les autres aient besoin de vous ?

— Les cruelles paroles !

— Ne seriez-vous pas assez affranchi ? Robert, pensez qu’il y a une grande joie à devenir un homme, un être seul et libre. Pour moi, je n’ai d’autre but que d’exister par moi-même ; dans l’émotion des autres, je n’ai jamais cherché que mon propre développement. Comprendre la pensée d’un Beethoven, c’est goûter l’ivresse d’une envolée, une sensation de liberté dans le grand air pur des sommets.

— Et comprendre la foule et communier à toutes les douleurs, n’est-ce pas aussi goûter le sentiment de l’éternité et sa tristesse ?

— Vous cherchez à vous évader de vous-même — je voudrais fondre en moi toute la vie.

— Et vous méprisez l’amour.

— Parce que l’amour, tel que je le conçois, n’est qu’une forme inférieure de la poésie. Mais peut-être la contradiction qui nous sépare n’est-elle qu’apparente. Quoi qu’il en soit, je ne veux pas faire la raisonneuse, et nous en avons assez dit pour que vous sachiez à quelles