Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/189

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le champion d’un combat singulier entre la conscience individuelle et la société de son temps ; sans espoir de corriger les hommes, il tendait à s’écarter d’eux violemment, et, disposé à les frapper, il faisait aussi le sacrifice de sa vie — là était le désintéressement, là aussi l’outrance mystique.

Ces dispositions intérieures nettement arrêtées répondaient à de redoutables questions, que les événements posaient d’une façon aiguë à sa jeune inquiétude : Pourquoi vivre ? Vers quel but ? Que peut-on faire ? À quoi bon ?

Sa résolution prise, il en avait recueilli le bénéfice moral. La vie bavarde et paresseuse s’était manifestée à lui plus intense, héroïque dans sa beauté brève ; il avait atteint, dans la sève de ses vingt ans, à un épanouissement total de ses activités, qui représentait une certaine perfection. Sa délicatesse nerveuse s’était sensibilisée d’un étrange amour, exaltée sous une influence orageuse, cosmique en quelque sorte. Aimanté, précis, il avait eu conscience de son mouvement personnel parmi les créatures inertes. Échappant à ses résistances organiques, il pouvait quelque chose, il pouvait