Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

grimpé ton escalier d’un saut ; de ma vie je n’ai eu si soif.

Robert lui apporta le litre entamé. Il s’en versa une rasade et l’œil bas regarda son ami, le coude sur la table, accablé comme après une corvée. Une inquiétude les séparait. Robert attendait, regardant la valise.

— Tu sais ce qui s’est passé hier soir ? hasarda lentement Brandal.

— Et comment le saurais-je ? Je ne suis pas sorti depuis dimanche. Il s’est donc passé quelque chose ? Je n’ai pas lu les journaux.

— Tu attends toujours les journaux.

Robert fut piqué du mot et toisa le flegmatique Brandal, peintre théoricien, qu’il connaissait pour un lecteur de La Révolte.

— Oui, tu attends, tu oublies… tu désertes, toi aussi, ma parole !… Alors quoi, il n’y a plus d’hommes ?

— Brandal, tu n’as pas le droit de me parler ainsi.

— J’en ai le droit, mon camarade.

En disant cela, Brandal força le ton contre son ordinaire, car il parlait toujours d’une voix sourde, sans timbre.